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Atlantic Salmon Journal

D’un demi de mêlée à une rivière à saumon

MARTIN SILVERSTONE

Mar 4, 2021
Mon voyage en quête du patrimoine saumon au pays de Galles m’a mis en contact, par l’intermédiaire du Atlantic Salmon Trust, avec l’un des grands noms du sport au monde, le demi de mêlée au rugby, Gareth Edwards (voir l’article « When Worlds Collide », ASJ, printemps 2021). Extrêmement courtois et bavard, traits on ne peut plus gallois, Gareth n’a pas eu besoin de beaucoup d’encouragement lorsque je lui ai parlé de son amour de la pêche.

« J’ai toujours pêché, a-t-il commencé. Dès l’âge de 5 ou 6 ans, dans les petits ruisseaux qui dévalent les collines de Gwaun Cae Gurwen, avec une canne de bambou et un hameçon fait maison. » Déjà, à ce stade, il était conscient des répercussions de la pollution sur la pêche. « C’était un village minier, a-t-il ajouté, les 2 meilleures semaines de pêche étaient donc celles qui coïncidaient avec les vacances d’été des miniers, soit la dernière semaine de juillet et la première semaine d’août, période où les rivières n’avaient qu’une légère coloration. »

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Un saumon de l’Atlantique franchit les chutes de la rivière Usk, au pays de Galles. Photo : avec l’aimable autorisation de Wye and Usk Foundation

« N’avaient qu’une légère coloration » en dit long sur l’état des cours d’eau gallois dans les années 1940 et 1950. Le reste de l’année, lorsque les activités battaient leur plein dans les mines, les rivières étaient noircies pas la poussière de charbon et d’autres sous-produits industriels.

Au cours des douzaines, voire des centaines d’entrevues qu’il a sans doute accordées, Gareth a été interrogé sur sa carrière de rugby. C’est à un professeur d’éducation physique très tôt dans son éducation que revient le mérite d’avoir remarqué son potentiel. En dehors du rugby, toutefois, une autre passion l’animait. Cette fois, ce fut un directeur d’école primaire, un féru de pêche à la ligne, qui l’a orienté dans la bonne direction.

« Je jouais au tennis avec sa fille et il m’a fait découvrir des cours d’eau plus limpides dans les montagnes environnantes où une truite se cachait sous chaque branche. » Le directeur lui a également enseigné l’art de la pêche à la mouche et il ne l’a jamais regretté.

Pendant son enfance, il jouait au rugby dans un champ de fermier rempli de mauvaises herbes; les joueurs n’avaient pas tous le même âge et les plus jeunes apprenaient des plus âgés. Son expérience de la pêche sportive a été acquise plus ou moins de la même manière. Lorsqu’il avait 12 ans, un groupe de jeunes de son village ont uni leurs efforts pour obtenir les droits d’un secteur de pêche sur la Tywi. Ils constituaient plus ou moins un club de pêche où les plus expérimentés donnaient des cours de montage de mouches aux novices.

« Les plus anciens pêcheurs transmettaient leur savoir, et leurs histoires ont éveillé en moi le désir de pêcher. J’adorais ça », ajoute-t-il. Les mêmes pêcheurs lui ont déconseillé de pêcher le saumon.

« Pour l’essentiel, nous pêchions la truite », poursuit-il. Un ancien homme d’État nous a recommandé ce qui suit : “Suivez mon conseil. Ne pêchez pas le saumon. Vous y consacrerez des heures et y prendrez bien moins de plaisir. Mais, a-t-il poursuivi, une fois que goûté à l’attrait, vous ne l’oublierez jamais.“ »

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La rivière Taff longe le stade Principality, à Cardiff, après avoir dévalé les montagnes qui entourent Merthyr Tydfil, jadis le centre de la révolution industrielle. Pendant la période de pointe des activités des mines de charbon et de fer, ses eaux coulaient noires, mais elles abritent maintenant du saumon de l’Atlantique.

Lorsqu’il a eu 16 ans, Gareth pêchait déjà le saumon et la truite de mer dans la Tywi, une rivière qu’il fréquente encore de nos jours. Après un combat de plusieurs heures, il a finalement ferré son premier saumon vers l’âge de 17 ou 18 ans.

Tout au long de notre conversation, nous avons à peine mentionné la raison de sa notoriété. Bien sûr, à compter de son adolescence jusqu’au début de la trentaine, sa vie était pratiquement dominée par le rugby. Mais entre les périodes de jeu, lorsqu’il retournait chez lui de l’école publique Millfield qu’il fréquentait en Angleterre ou les temps libres entre les matchs qu’il jouait pour le club ou le pays, même lors de ses tournées de rugby à des endroits comme en Nouvelle-Zélande et au Canada, c’était une autre histoire, celle d’un pêcheur enthousiaste, d’un moucheur qui aimait son sport pour ce qu’il avait à lui offrir.

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Qu’il s’agisse de peintures murales défraîchies ou de bars qui portent son nom dans le stade national, Gareth Edwards représente pour le rugby ce que Wayne Gretzky ou Jean Béliveau représentent pour le hockey. Mais très peu de ses supporteurs sont au courant de son amour de la pêche à la mouche et du travail qu’il accomplit pour le compte du saumon de l’Atlantique. Peinture de Gareth Edwards à l’arrière du East Stand, Cardiff Arms Park, pays de Galles. Photo de Seth Whales

Et après sa carrière de rugby, tout au long de sa vie professionnelle en qualité d’ingénieur et d’enseignant, il a redonné à ce passe-temps intermédiaire (comme il l’a fait pour le rugby). Il a travaillé avec des conseils de conservation de cours d’eau gallois, en qualité de président de la Carmarthenshire Fisherman’s Association, et maintenant d’ambassadeur pour le Atlantic Salmon Trust. Dans le cadre de ses fonctions, il a aidé à promouvoir le sport de pêche à la mouche ainsi que la conservation et la remise en valeur des rivières au pays de Galles et au Royaume-Uni, et maintenant, même au-delà.

« C’est pour l’avenir, dit-il, nous devons transmettre notre savoir aux jeunes. Pas seulement la sensation merveilleuse qu’entraîne la prise d’un poisson, mais l’importance de la conservation. Absolument, attraper le poisson est important, mais c’est surtout le défi que cela représente et le fait de se trouver dans un paysage féérique, accompagné du gazouillis des oiseaux et profitant du plein air. »

Tout en faisant des recherches sur les cours d’eau gallois, je suis tombé sur une citation selon laquelle Gareth préférerait ferrer un saumon que de marquer un essai pour le pays de Galles, ce qui confirmait la principale raison pour laquelle je communiquais avec lui. La réponse a révélé un aspect fascinant des passions de Gareth, le rugby et la pêche à la ligne.

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Au stade Principality, à Cardiff, pays de Galles – de gauche à droite : Brianna Miller avec son frère Andrew, son père Michael et son fiancé Bryce Thomassin. Photo de Martin SIlverstone

« C’est Cliff Morgan qui pensait que ce serait une bonne idée de m’interviewer pendant que je pêchais, se rappelle Gareth en riant. Je portais des cuissardes poitrine, j’avais 20 ans et j’étais le capitaine du pays de Galles. J’avais marqué plein d’essais, mais je n’avais pas ferré beaucoup de saumons. »

Derrière l’innocence et l’humour de la remarque se dissimulait un côté moins frivole. Elle a eu la même réaction qu’aurait eue celle d’Auston Matthews s’il avait dit à la mi-saison qu’il préférerait aller à la pêche que de jouer pour les Leafs. Le chef du syndicat des joueurs de rugby britannique a profité d’une campagne de publicité pour un match qui opposait le pays de Galles à l’Angleterre pour qualifier la citation d’inappropriée pour un joueur de la réputation de Gareth. Mais Gareth s’est également souvenu de la réaction de ses coéquipiers dans le vestiaire au pays de Galles. « J’ai fait l’objet de taquineries bon enfant, mais ils ont apprécié le fait qu’il y avait aussi autre chose que le rugby dans ma vie, où la pression de gagner avait pris une ampleur démesurée. C’était l’occasion de décompresser un peu. »

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Brianna Miller, joueuse canadienne, plaque un joueur gallois au stade Principality, en décembre 2019.

Il s’agit-là peut-être de la dernière leçon pour nous tous en ces jours, semaines et mois stressants de la COVID-19. Le plein air, les rivières limpides et l’occasion de taquiner un saumon aux reflets argentés peuvent aider à détourner notre attention des pressions auxquelles nous sommes confrontés dans notre vie « réelle ».

Une fois que la merveilleuse citation avait été confirmée, je ne pouvais en rester là. Il me fallait demander à Gareth si elle faisait référence au « fameux essai » (regarder la vidéo). Gareth s’est mis à rire et a raccroché.